Rangement de la bibliothèque

Publié le par Brigitte Chanson

Bibliothèque

 

Il faut absolument ranger la vieille bibliothèque !

Chaque année, cette entreprise de titans est amorcée.

Mais l’été, il fait trop chaud et cette pièce au nord est bien triste. L’hiver, elle est trop froide et les mains gourdes laissent tomber les volume ; au printemps, les besognes du jardin sont pressantes et en automne, il faut profiter des derniers beaux jours !

 

Enfin, coiffée d’une mousseline et ceinte d’un tablier, un jour où il ne pleut pas et ne fait pas trop beau, où il ne pleut pas et ne fais pas trop beau, où rien n’a besoin d’être arrosé, et où, par miracle, un enfant n’a pas envie d’un dessert savant, un jour enfin, on entre dans la bibliothèque.

 

Rassembler les trente Tite-Live, retrouver le tome X de Brantôme égaré chez Chateaubriand, fulminer contre les mains indignes qui ont déplacé les Tacite, dont le tome IV semble perdu pour toujours. Ce moment de vertu est bref : Satan descend des rayons, comme le serpent de son pommier. On ouvre un livre, par exemple un Précis d’histoire Militaire et de Défense des glacis, qui, en théorie, n’a rien à faire avec vous. Bientôt, on s’assied, puis on fait manœuvrer en compagne ou en carrousels, les voltigeurs, les Trabans ou les Houzards*.

Et ce Paradis Perdu, de Milton, en veau doré, tout annoté d’un crayon fin comme un cheveu, par un arrière grand’père qui ne cesse de répéter que cinnamome est de la cannelle et délight, délice ! Et si on retrouvait un billet d’amour ?

Un secret ? Quel secret ?

D’innombrables livres de piété, en chagrin noir, où subsistent les derniers vestiges d’aïeules dont nous ne savons plus qu’un nom : trèfle à quatre feuilles, image sur papier dentelles, où une main d’enfant a tracé : à ma chère Maman, pour sa fête. Flore, Juin 1815.

C’était peut-être le jour de la bataille de Waterloo. Et cette trace jaunie à la Prière d’une femme pour l’enfant auquel elle doit donner le jour.

Toutes ces images mortuaires, qui gonflent les missels : petit cimetière portatif, où l’on s’attarde, comme les musulmanes, assises sur les tombes, et qui devisent au coucher du soleil…

*Houzard = hussard
Sophie DEROISIN, Les Jardins intérieurs, Brepols,1965

Ce livre écrit par Sophie Deroisin (Prix Rossel 1975 pour Les Dames) est à la bibliothèque d'Auvelais.


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